vendredi 3 février 2012

I.a.

Cadre de vie
J’habitais dans un petit village avec mes parents et je passais presque dix années là-bas avec mon frère et ma sœur. J’étais l’aînée et j’étais très occupée puisque, depuis l’âge de huit ans, j’allais quotidiennement à mon cours de danse classique chez *, ancienne danseuse de l’Opéra de Paris qui avait, à la suite d’un accident, ouvert un studio de danse à *, juste devant la plage. Ainsi, tous les jours, ma mère ou bien mon père m’emmenait et venait me chercher deux heures plus tard et, ceci, pendant presque six ans.
Je rentrais à la maison, caressais mon poisson rouge Toto, cadeau de mes grands-parents et faisais consciencieusement mes devoirs. J’aimais lire aussi et lorsque j’eus ma chambre à moi, à la naissance de ma sœur, je lisais en cachette tous les soirs, surtout les récits policiers de la collection verte puis ceux d’Agatha Christie.

Mes frères et sœurs
Je jouais beaucoup avec mon frère qui avait trois ans de moins que moi, principalement le week-end lorsque je n’étais pas à la danse. Il me montrait toutes ses découvertes de la semaine ; il y avait une ferme juste à côté de chez nous avec une mare qui accueillait têtards et grenouilles et il construisait toutes sortes de pièges et de cabanes où cacher ses trouvailles animales : nous avons eu une colonie de salamandres en visite un jour. Il aimait nous faire peur à moi et ma sœur : un jour, il alla même jusqu’à nous faire manger des vers de terre, de force. Nous avions un chat noir, *, qui se laissait habiller comme une poupée, très câlin ; nous le caressions et il ronronnait en fermant les yeux. Un jour, il partit, peu de temps après la naissance de ma sœur, alors que j’avais sept ans et nous ne l’avons jamais revu.

Références
La maison était une maison neuve, toute simple, que mes parents avaient fait construire et, pourtant, de mes yeux d’enfant, tout était étrangeté à l’intérieur. Ma mère, orpheline à l’âge de sept ans, avait été élevée par sa grand-mère qui avait fait fortune en Algérie avec ses deux maris successifs, il y avait ainsi des cuivres, de grands vases chinois, des broderies, des boutons-statuettes d’ivoire qui habillaient les bahuts et secrétaires.
L’endroit le plus surprenant pour nous enfants, c’était le garage. En béton brut, il abritait deux énormes métiers à tisser et des étagères jonchées d’écheveaux de laine de couleurs et de textures variées, de faîtages de cheminée aussi qui se transformaient au gré de l’imagination de ma mère en pieds de lampe colorés. C’était notre cache. Ma mère était tisserande et avait une petite boutique dans un village voisin. Mon père enseignait la géographie à l’université et aidait ma mère à ses heures perdues ; il élaborait de grandes tentures murales qui envahissaient momentanément une partie des murs du salon, à droite de la cheminée.
Son bureau à lui était de l’autre côté de la salle à manger ; l’imposante table de bureau et les étagères étaient en bois, blancs, tapissés de livres aux formats et tranches irréguliers. Là aussi, il y avait des trésors à découvrir. Je me souviens d’un gros livre qui contenait des photos en noir et blanc de peuples dits primitifs : au fil des pages, je découvrais les pygmées, les femmes girafes, et je voyais d’autres paysages, la forêt amazonienne, les huttes, des danses. Ce livre je l’ai toujours.

Attitude
La rencontre était là à chaque petit point d’articulation de ma petite vie d’alors, tranquille et bien rangée, balancée entre l’ouverture et le mystère que représentait ma mère et l’autorité (au sens polysémique du mot) conférée à mon père.
Très consciencieuse, j’aimais l’autre et l’ailleurs. Je me souviens : très tôt, je vendais dans la boutique de ma mère des boucles d’oreille que je confectionnais. Ma grand-mère m’achetait les perles que je lui commandais quand elle passait venir nous voir avec mon grand-père ; mon temps libre m’était compté et je n’allais que peu à la ville alors. Avec l’argent que je gagnais, je m’achetais à l’âge de onze ans un magnétophone et, dans le même temps, une cassette du groupe de hard rock français Trust. Et je m’entraînais à faire des tours sur le rythme rapide et scandé de leur chanson « Antisocial » ; c’était mon plaisir alors que je travaillais d’arrache-pied à la répétition de variations pour lesquelles nous étions notées en fin d’année scolaire ou bien à la préparation du spectacle de danse.

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