Rencontres
à l’école
Ainsi va mon premier souvenir d’institutrice. J’étais en
dernière année de maternelle. Elle s’appelait Madame * et nous faisait
reconnaître des voyelles à l’aide de petites cartes. Elle était très sévère et
envoyait au coin les élèves perturbateurs. Je me rappelle du plaisir que
j’avais à m’asseoir par terre sur les tapis colorés avec mes petits camarades
et aussi du sentiment d’injustice que je ressentais lorsqu’elle punissait
certains d’entre eux parce qu’ils s’écartaient du jeu des voyelles.
En primaire, je me rappelle de Madame *, en classe
de CP, elle était douce et ronde et, entre rigidité et souplesse, respectait le
rythme d’apprentissage de ses élèves. Plus tard, en CE1, je rencontrais des
rudiments d’histoire et de géographie par le biais de Madame *. C’était une
vieille institutrice, sèche et autoritaire à l’image des pupitres usés et
porte-mines en bois peint que nous utilisions alors. Le mien était vert. Plus
j’apprenais, plus j’avais envie de savoir. Savoir quoi, cela je n’en avais
aucune idée. Pour moi, l’école était un gage de liberté par rapport à mes
parents, à la danse que je pratiquais et me mettait en relation avec le monde
extérieur, alors abstrait pour moi. Par l’école, j’expérimentai « une
pensée de la surface et du dehors […] qui commence par observer et décrire ce
que l’on ressent à la surface de la peau : le frémissement tactile
provoqué par la sonorité des mots, la vocalité des textes, la couleur des
idées. »[1].
C’était également l’espace-temps qui me permettait de rencontrer d’autres
enfants de mon âge puisque je ne pouvais participer aux traditionnels goûters
de sortie d’école, prise que j’étais par la danse. Je me souviens des aires de
récréations, d’Emmanuel qui faisait partie d’une bande dont Sébastien était le
chef ; il courait vite au loup, même s’il n’était pas le plus prisé des
garçons. Avec lui, je jouais aux billes ; j’évitais ainsi les jeux de
fille, le saut à l’élastique par exemple que j’exécrais et pratiquais peu.
C’est à son contact que j’eus envie de suivre l’atelier de modélisme de
Monsieur *, activité que je fis deux années durant, le mercredi matin, et
pour laquelle je n’étais pas très douée ! Jusqu’à l’adolescence,
j’entretins donc un rapport positif à l’apprentissage.
[1]
Laplantine François, Nouss Alexis, opus cité, article « dehors » pp.
192-198, p. 195
[2]
Rabouin David in Le Magazine Littéraire n°419, avril 2003, Emmanuel
Levinas, "L’autre qui échappe et auquel on n’échappe pas", interview avec
A. Finkielkraut, pp. 37-39, p.38
[3]
Oury Jean et al., L’année dernière, j’étais mort… signé Miloud, Vigneux,
Editions Matrice, coll. Pi, 1986, p. 179
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