lundi 20 février 2012

I.a.


Une formation – comment ?

A presque trente-trois ans, à l’un de ces multiples carrefours de la vie qui passe, je pris ce sentier que j’avais entr’aperçu à plusieurs reprises mais que j’avais simplement regardé d’un peu loin de l’une des multiples routes que j’avais suivies depuis mon retour du Japon en France. Je souhaitais être formatrice et, surtout, suivre une formation, choix qui gardait toutefois un soupçon d’aléas, malgré mon expérience en Français Langue Etrangère auprès d’étudiants japonais quelques années auparavant. C’est un événement particulier qui m’y entraîna presque malgré moi.

J’étais enceinte de mon premier enfant qui, à sa naissance fut prénommé *. Au travers de ma grossesse et de la vie qu’empruntait * tout du long, l’horizon reprenait toutes ses formes. Je respirais, prenais mon temps. Je retrouvais le cycle de la nature. Du petit parc qui jouxtait l’immeuble dans lequel je travaillais alors, je regardais les couleurs et formes des cerisiers, des pruniers et du petit bois de bambous ; je mangeais à petites bouchées doucement, tout doucement, les fruits de saison, les fraises, le raisin, le pamplemousse ou encore les clémentines. Par le biais des saveurs et des consistances, je retrouvais aussi le plaisir du geste que j’avais rencontré au Japon lorsque, par exemple, je décortiquais délicatement un poisson avec des baguettes.
Ce rythme lent que j’adoptais me donnait envie de rompre avec une certaine routine professionnelle que j’avais laissée s’installer, cela, pourtant, après plusieurs années passées à aller courir. Cette routine serait venue par le biais du secrétariat de direction, période au cours de laquelle je rencontrais de façon empirique ce monde des entreprises privées, les rouages de ces institutions et les relations hiérarchiques que ce monde formait dans l’institution de même que dans son rôle de représentation auprès d’investisseurs, d’actionnaires ou encore d’administrations politiques.
Je constatais que j’avais accepté « d’observer pour savoir [et] [d’]accepter de ne pas savoir pour observer »[1] et je n’avais pas l’impression d’avoir tant appris que cela. Ma fascination du tout économique et son vocabulaire corollaire - privatisation, fusion, acquisition - s’était affadie et ce monde qui se voulait plein de sens et d’un seul en particulier m’essoufflait.
Même si, comme l’écrit Bernard Fernandez, « L’apprentissage du retour se présente in fine comme un excellent moyen pour revisiter les mécanismes sociaux d’une société donnée », j’avais besoin d’autre et d’ailleurs comme le nomade de Bernard Fernandez : « Au croisement d’une expérience entre ce qu’il a déjà appris, ce qu’il a compris partiellement et ce qui lui reste à découvrir, le voyage continue. »[2]

Je me rendis donc à la Cité des Métiers, à la Villette avec l’idée de me renseigner sur les formations de formateurs proposées. Mon premier enfant arriva en février ; j’éprouvais alors l’étrange sensation que cet évènement produit de fait : je me rencontrais en tant que mère et je rencontrais en même temps mon fils *, partie de moi sans être moi pour autant.
M’interroger à propos de l’étendue de ces identités multiformes devenait essentiel ; je souhaitais me confronter à mes propres expériences et à celles des autres, à la valeur d’une formation et à l’apprentissage en général.

Tout adulte en formation engage donc à la fois son histoire, le sens qu’il donne à son histoire et le devenir de son histoire. Il l’inscrit dans un devenir, il pose sur elle un acte d’appropriation ou de réappropriation. Il se « réautorise » dans le sens étymologique du terme, c’est à dire qu’il se produit comme auteur.[3]


[1] Houssaye Jean, opus cité p.
[2] Fernandez Bernard, Identité Nomade, Ed. Economica, Anthropos, 2002, p. 251 et p. 237

[3] Gourdon-Monfrais Dominique, Hors-série Sciences Humaines n°40, mars-avril-mai 2003, Quand la soif de savoir date de l’enfance, pp. 60-63

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